L'immensité intime
En mai 2019, j'ai parcouru les chemins de pèlerinage de Kumano Kodo au Japon. La traversée des forêts profondes de cyprès et de cèdres fut une expérience de la marche parmi une multitude d'arbres et d'une immersion dans l'épaisseur forestière. Des bruits étouffés ne sortent que des murmures, c'est l'expérience de la marche jusqu'à sortir de soi.
Les peintures restituent l'expérience sensible de la traversée des forêts:
Les troncs se frottent aux limites du tableau, l'espace de la forêt nous dépasse. Le dépôt de noir imite l'écorce et nous plonge dans la matière. Difficile de voir où naissent les troncs et où ils se perdent dans le ciel, difficile aussi de saisir l'étendue de la forêt. Les troncs peints sont-ils des barreaux ou l'essentiel de l'expérience n'est-il pas plutôt la sensation de la lumière qui passe entre les troncs et laisse entrevoir quelque chose dans la profondeur?
Vivre la forêt, c’est percevoir l’immensité de sa profondeur et ressentir que son immensité est aussi en nous.
« La forêt est un état d’âme », disait Bachelard.
Les vides entre les troncs laissent deviner des lumières et tirent le regard dans les profondeurs infinies de l’arrière-plan.
L’immensité de la forêt nous dépasse aussi par sa présence temporelle à tel point qu’il est presque impossible d’imaginer de jeunes forêts.