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Je peins des personnages errants traversants de vastes territoires. Occupés à observer, ils s'immobilisent et attendent. Ils scrutent les lignes du paysage. Ils cherchent leur être dans ce qui les entoure. Sans bouger, ils deviennent pourtant actifs par leurs regards qui déchiffrent le monde. C'est aussi le monde qui les interroge, qui les amène à effectuer un retour sur eux-mêmes. Les paysages font partie d'eux mêmes.
Pour en arriver là ils ont escaladé des pentes escarpées. Gravir demande un effort physique pour monter. Il faut se pencher en avant, incliner le haut du corps, tendre les bras en arrière comme des ailes pour garder l'équilibre ou en avant pour saisir des prises avec les mains.
Gravir est une expérience corporelle où on prend le risque de tomber, pour monter.
Mais gravir n'est pas seulement un ressenti corporel. C'est aussi un un cheminement en soi-même, dans un monde d'images. Avec des images qui s'opposent parfois, comme celles de l'horizontale et de la verticale, ou de la base et du sommet pour reprendre la formulation de René Char,. D'autres se confrontent comme l'enracinement et le flottement, ou l'ascension et la chute. Porté par un mouvement d'images, gravir est de l'énergie dépensée pour aller plus haut que soi.
Les poésies de Jacques Dupin m'ont accompagné pendant cette période. Une manière de l'éclairer par des mots.
Chaque tableau s'inscrit dans les doubles pages de livres. Les livres s'ajoutent les uns aux autres et constituent peu à peu une bibliothèque sur la beauté, parfois absurde des errances humaines.
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